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La Methode Ouverte de Coordination

Concrètement, quelles nouvelles méthodes se présentent dans les domaines de la gouvernance économique et sociale?. La principale est la "méthode ouverte de coordination"(MOC) lancée par le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Que on l'aime ou pas, les coopérations renforcées ne sont pas facilement d'application dans les domaines relevant du premier pilier  et elles sont marquées par des visions opposées: différenciation momentanée dans le processus partagé vers l'Union, ou bien "flexible intégration", c'est à dire différenciations potentiellement permanentes et donc reconnaissance ouverte de l'hétérogénéité des objectifs finaux ? Deuxièmement, la création de noyaux durs plus avancés n'est pas incompatible avec la MOC avec la convergence des sociétés en vue de la " création de la société de la connaissance la plus avancée au monde " envisagée par la stratégie de Lisbonne. La différence est que la MOC vise un avancement de l'intégration au niveau des quinze Etats membres( et des « pays candidats, dans certains cas »selon la formule du Livre blanc .) et aux conditions actuelles en ce qui est du VMQ et de la codécision..

Le point de départ c'est donc la difficulté de l'Union européenne à être proactive dans des domaines cruciaux pour son avenir, une difficulté qui avait dernièrement amené presque au blocage de l'initiative politique. Le "comment ?" c'est donc la question clé. C' est justement au niveau des méthodes de gouvernance que nous avons assisté dans le passé à des résultats minces malgré la portée et la qualité des grands projets portant sur les mêmes enjeux ,tels que les projets d'harmonisation des années '70 et '80 (le Social Action Programme de 1972 ) et, plus récemment le célèbre Livre Blanc de 1993 (Growth, Competitivness,Employment.White Book).

Les origines. Pendant les dix dernières années on a assisté à la multiplication des formes de gouvernance et de régulations dans l'UE, au delà des méthodes intergouvernamentale et communautaire classiques Déjà le Traité de Maastricht est caractérisé par une double asymétrie interne:au sein de l'Union économique et monétaire, le déséquilibre entre le caractère fédéral et centralisé de l'Union monétaire et le caractère décentralisé de l'Union économique et celle entre l'UEM d'une part, et l'Union sociale, l'union entre les sociétés .Ce qui est intéressant est que, dans le cadre de ce tournant, l'intégration a pourtant avancé par des nouvelles pistes et voies .

Il y a une logique dans cette évolution et aussi un effet de spillover institutionnel, même si la surveillance multilatérale a évolué dans ses formes, selon le problème posé et si les propositions d'appliquer aux politiques sociale et de l'emploi les mêmes méthodes que pour l'Union monétaire ont été rejetées sans ambiguïtés par le Conseil européen pendant la dernière décennie.

On ne peut donc avancer vers la convergence que par des nouvelles méthodes, dans les domaines liés à la modernisation du système socio-économique - paradoxalement les plus importants et délicats , au centre des agendas nationaux des Etats membres-pour lesquels la compétence de l'UE est très limitée, et il n'est pas du tout évident que les autorités nationales et subnationales et les acteurs socio-économiques acceptent de renforcer un système de règles communes au niveau européen.

La "méthode ouverte de coordination"(MOC.en anglais OMC) est au centre du projet de modernisation technologique,économique et sociale pour la prochaine décennie approuvé par le Conseil européen de Lisbonne (Presidency Conclusions , Lisbon European Council; Presidency Conclusions,Santa Maria de Feira European Council, Presidency of the EU,Note on the ongoing experience of the Open Method of Coordination).La nouvelle méthode a été ainsi précisée et appliquée (moyennant des adaptations en ce qui est son intensité ) à d'autres domaines politiques fondamentaux , rélevant traditionnellement de la compétence des autorités nationales et subnationales : éducation, réformes structurelles et marché intérieur, innovation technologique et société de la connaissance, recherche et, bien que limitée à la simple coopération, la protection sociale

Des variations entre les domaines d'application sont évidentes , la MOC est un processus endogène d'apprentissage par l'interaction , transfert et réforme de politiques publiques nationales et de auto-correction, incluant en général quatre composants (alimentés par l'apport déterminant de la Commission) :

Il ne s'agit donc pas de rechercher "la" meilleure méthode en absolu mais d'employer au cas par cas les méthodes compatibles avec les traités. L'approche défensive et prudente du Livre blanc n'est pas justifiée :en effet la Commission, on l'avoue, » joue dejà un rôle actif de coordination «  et peut uniquement par cette voie renforcer sa capacité d' orientation (selon une subsidiarité active)de la multilevel governance européenne par trois lignes directrices principales(étroitement liées):

Le point a) demande de préciser les concepts de coordination et ouverte. De la coopération à la coordination. Même si la MOC ne dispose pas d'un background légal spécifique couvrant l'ensemble des domaines concernés , elle peut cependant bénéficier d'un acquis juridique considérable Au niveau des Traités, le concept de "coordination" en tant que méthode pour atteindre les objectifs stratégiques de l'UE est utilisé tant à l'art 99(BEPG) que 125(emploi). et 140( social). Par contre il n'est pas utilisé au 104 C et il est entrelacé au concept de "coopération" dans le cadre des articles sur la politique sociale. Un rôle renforcé de la Commission accompagne le recours au concept de "coordination ", clairement plus intergouvernamental, plus soft. La Commission joue des rôles multiples : a) l'expertise : le développement d'une culture communautaire de l'évaluation,de l'échange des best practices etc est évoqué tant dans le chapitre emploi que dans le chapitre social, dans le cadre d'une sorte de learning process réciproque et mutuel entre les Etats organisé par la Commission. b) la bonne préparation de l'évaluation périodique (l'examen) de politiques nationales par des rapports ( le rapport est conjoint avec le Conseil en ce qui est à l'art 128) ; c) la proposition de recommandations adressées au Conseil et, si nécessaire, aux Etats membres .

En ce qui concerne l'expression "ouverte", elle implique plusieurs significations, selon les accents et les interprétations :
-tout d'abord, la plus évidente et consensuelle c'est : ouverte dans le sens du respect de la personnalité ,des compétences et des pratiques des Etats membres ,ainsi que des diverses cadres institutionnels, des traditions politiques et des préferences idéologiques des gouvernements (Scharpf 2000).La majorité des Etats sont demandeurs de méthodes soft en raison de la conviction que la plus grande partie des domaines des politiques abordées par la stratégie de Lisbonne doive relever essentiellement de la compétence nationale et soumise au vote à l'unanimité au Conseil .Il est donc logique que aux Etats soient données des garanties au moment où on leur demande d' accepter la perspective d' une convergence accrue dans ces domaines socio-économiques . Le benchmarking central et l'ensemble de la stratégie respectent la différence essentielle entre les indicateurs (communs) et les objectifs (différents selon les Etats membres, ainsi que les façons de les atteindre) . Et le processus de rapprochement graduel aux indicateurs est pris en compte plus que le résultat absolu . La MOC peut donner lieu à des recommandations (même si non publiques) pour l'Etat membre qui ne respecterait pas les lignes directrices européennes et les plans nationaux que lui même s'est donné. Au cas de succès ces politiques permettent de "européaniser"une partie substantielle des budgets nationaux.

En ce qui concerne le point b), deux remarques sont nécessaires : -le Conseil ECOFIN confirme sa primauté au niveau des BEPG; mais les autres formations du Conseil sont aussi appelées à contribuer activement. Deuxièmement, le Conseil européen peut constituer un allié précieux pour la Commission . Déjà le Conseil européen d'Helsinki avait établi que l'élaboration des BEPG doit se faire sous la coordination du Conseil ECOFIN, mais "sous le guide politique du Conseil européen" (Conclusions de Helsinki, décembre 1999).Ce qui implique une évolution en ce qui sont les rapports entre le Conseil européen ,la Commission et les formations spécialisées du Conseil en particulier ECOFIN.Dans ce même sens ,la Commission est directement intéressée à relancer le processus de réforme de l'art 99,par.5 , proposée par le PE dans sa Résolution de mars 1999.Le Livre Blanc à juste titre soulève la question de la légitimité de la MOC et propose que des « mécanismes » soient établis « pour faire régulièrement rapport au PE ». Elle aurait pu à ce propos faire référence à la Résolution du PE de mars 1999 et proposer d'inclure le gouvernement économique parmi les thèmes de la CIG 2004, tant pour ce qui est la réforme de l'art 99,que de l'art 4( en ce qui est la légitimation préalable du nouveau rôle du Conseil européen, que enfin en ce qui est un article global sur la MOC permettant de préciser de façon transparente ses procédures, sa dynamique institutionnelle et sa légitimation parlementaire. Ni la Présidence portugaise pendant la CIG 2000, ni la Commission ont suivi le PE dans sa demande d'élargissement de l'agenda de la CIG aux enjeux du gouvernement économique. La Présidence française a elle aussi évité de donner à sa démarche visant le renforcement du gouvernement économique l'envergure institutionnelle nécessaire. Pas mal de problèmes actuels relèvent de cette illusion pragmatique, de ce repli sur le low profile. Sera la CIG 2004 à même de revenir sur ce point crucial ?

En ce qui concerne le point c) la MOC est transposable aux domaines "d'intérêt commun"( selon les formulations des articles .126 et art .99) ou l'intergouvernamental ne suffit pas, l'adaptation au marché provoque l'aggravation de la compétition entre Etats membres et , la méthode communautaire rencontre des objections politiques. Par exemple l'ensemble des 6 ou 7 domaines abordés par Lisbonne et la coopération dans les affaires interne de justice et internes. Dans le cas de la stratégie de Lisbonne, c'est la transposabilité qui justifie les rôles respectifs du Conseil européen , organe politique qui dispose de la légitimité nationale nécessaire pour déclencher une nouvelle stratégie et mandater les Conseils spécialisés ; et de la Commission ,institution qui assure la cohérence et l'harmonie entre les différentes policies et aide le Conseil européen dans les tâches cruciales de watch dog annuel (coordination entre les policies et entre les gouvernements/administrations et la gestion du temps etc). L' idée innovatrice de "procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examens par les pairs" est la clé du gouvernement central de la stratégie En effet de parier uniquement sur la gouvernance décentralisée sans que le gouvernement central de l'ensemble de la stratégie soit mieux organisé , serait une pure illusion .L'approche est décentralisée( même au niveau subnational au cas des Etats fédéraux ou régionalisés),mais la Commission ,le Conseil et le Conseil européen assurent la coordination et le contrôle du suivi".Les conclusions de Lisbonne et de Feira ont insisté pour améliorer "les synergies au sein du gouvernement central" comme condition pour une réussite. Le point 36 des Conclusions montre la conscience aigüe du problème difficile de l' implementation cohérente de la stratégie : :" we should consequently be organised both upstream and downstream from that meeting"(du Conseil européen de printemps)..Bien entendu ,uniquement l'expérience pratique de l'activité de la Commission et des Présidences successives, entre un Conseil européen spécial de printemps et l'autre ,pourra repondre à la question de savoir si l'hypothèse lancée dans les Conclusions a trouvé une vérification positive.


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